L’année dernière, j’ai souscrit au financement participatif d’un jeu de rôle dont le pitch m’avait conquis par sa légèreté et son originalité. Hélas le projet avait échoué sur un écueil juste avant d’arriver à bon port. Ce projet s’appelait Archipélia et présentait un univers de piraterie saupoudré de poésie. Et… Finalement, c’est par le biais d’une amie rôliste que l’un des deux capitaines m’a contacté pour travailler de concert afin de remettre à flot le navire pas si abandonné que ça !
Note : vous pourrez retrouver toutes mes illustrations en grand format dans la partie Illustration.
Présentation
La page du nouveau financement d’Archipélia est disponible ici où vous y trouverez les informations nécessaires le concernant.
Les auteurs avaient leur vaisseau, leur cartographe, les cales pleines d’idées et un cap bien précis… Il ne leur manquait qu’un dernier membre pour illustrer leurs histoires. C’est donc avec honneur et respect que j’ai intégré l’équipage en février dernier, le temps d’un voyage.
Ça tombait bien, je viens d’une île qui a eu son lot de pirates : Olivier Levasseur dit la Buse (qui inspira le fameux One Piece) ou encore Gilles Fontaine (notez le nom de famille). J’avais donc déjà de la bouteille.
Plus sérieusement, les auteurs du jeu Archipélia sont venus vers moi en m’exposant les raisons de leur échec passé. En effet, leur bébé avait déjà été lancé pour récupérer des fonds mais s’était arrêté à 72 % de leur objectif initial. D’après eux, le projet manquait d’illustrations pour captiver.
Et oui, malgré un texte suffisamment détaillé sur le cadre et les ambitions du jeu, il lui manquait quelques images pour convaincre sa clientèle. Une image vaut mieux qu’un long discours, vous la connaissez cette expression. Un livre attire le regard par sa couverture, puis le potentiel lecteur regarde derrière pour y lire ce qu’on lui propose. Le visuel donne envie de lire le texte. Archipélia l’a appris à ses dépens hélas. Heureusement, il en a tiré les leçons pour repartir du bon pied marin !
La mission
Fin février, je suis mis en relation avec l’un des auteurs pour réaliser des illustrations. Un problème de taille pointe à l’horizon tel un cumulonimbus gonflant et grondant : le budget. C’est un petit projet et les auteurs comptent sur le financement participatif pour rentrer dans leur frais. De mon côté je peux faire des concessions, surtout quand on travaille pour un coup de cœur, mais je dois quand même rentrer dans mes frais pour ne pas torpiller mon propre vaisseau.
Mais, tout comme moi, les auteurs ont la tête sur les épaules et avaient déjà prévu un pécule pour avancer les artistes avec qui ils travaillent. Comme nous sommes sur la même longueur d’onde, nous revoyons la demande ensemble et nous entendons sur le prix et la commande. Finalement, tout est bien qui commence bien.
Les auteurs me confient plusieurs textes sur les races et l’univers de leur jeu, je suis de plus en plus transporté par leur imagination. Mon seul regret étant qu’ils n’aient pas un budget supérieur pour leur proposer plus de chose. Mais il faut se raisonner : je ne peux pas travailler trop longtemps pour un tel trésor si je veux vivre de mes passions.
On est donc parti pour huit illustrations en noir et blanc pour représenter les huit races jouables du jeu. Et une neuvième en couleur qui sera sur l’écran du meneur de jeu. Autant dire que cette dernière doit être représentative de l’ambiance et de l’univers de jeu.
Souquez ferme !
J’ai une quantité de travail énorme à abattre, mais la passion souffle dans mes voiles. Après avoir fait des recherches et trouvé des références pour illustrer les huit races, je plonge dans les eaux tumultueuses, un crayon entre les dents. Avec les auteurs on s’est entendu pour partir sur un style se rapprochant de ce que j’avais réalisé lors de l’Inktober 2018 (que je vous invite à regarder ici).
Alors me voici à griffer le papier et la tablette avec mes outils : croquis, encrage, hachurage, scan, retouche, blocking et autres nœuds marins pour affronter les caprices de la mer. Sans oublier les précieuses étapes de repos dans les estuaires pour reprendre des forces et demander l’avis des auteurs sur la route que je leur suggère.
Les huit races ne posent que très peu de problème en réalité, je brave leurs réalisations sans peine. Les auteurs me laissent pas mal de liberté et l’inspiration arrive naturellement à partir de leurs textes.
Si vous voulez en savoir plus sur les races du jeu, L’Antre du Gob les détails sur son blog.
On tient le cap
Vint enfin la pièce maîtresse de la commande : l’illustration couleur. Elle sera (si le financement abouti) imprimée sur un écran de maître de jeu, soit un dépliant en trois volets de 21×21 cm chacun.
Dès la réalisation des huit races, je réfléchissais à ce que j’allais mettre en avant sur cet écran. Un auteur m’avait suggéré une scène, mais celle-ci s’adaptait très mal à un format horizontal. Je comptais donc leur proposer trois idées.
1/ Une scène de bataille navale entre deux navires, la scène aurait été vue en partie sous l’eau pour voir les noyés, les naufragés, les épaves coulants… Finalement trop complexe et trop funeste, j’ai abandonné cet axe rapidement.
2/ Un paysage d’îles dans un coucher de soleil où mouille un galion. Un côté montrerait une barque avec des personnages quittant les lieux, alors que la partie opposée montrerait un ciel plongé dans la nuit avec ses constellations.
3/ Une scène de pirates plongeants dans la mer où des épaves regorgent de trésors.
Avec les auteurs, on s’accorde pour partir sur la troisième proposition (ma préférée également). À partir du sketch, j’affine l’illustration et je commence le blocking grossier. Je me penche sur les personnages centraux (la rousse et le personnage reptilien) en poussant un peu le rendu.
Petit à petit, je modifie également le fond de la composition pour mettre plus en avant le décor. Les épaves prennent plus de place dans la scène. Enfin, j’ajoute un fond corallien de l’autre côté pour équilibrer la composition et ajouter des couleurs à ce fond monotone.
Grain de sable par grain de sable, l’illustration se construit et prend sa forme définitive. Il n’y a plus qu’à ajouter le logo Archipélia et sa boussole pour clore le fichier. Ah ! ! ! On le réouvre avant de l’envoyer aux clients : j’appose ma signature sur l’œuvre… Voilà, je peux l’envoyer avec le doux sentiment du devoir accompli.
Prochain voyage ?
Désormais mon voyage avec Archipélia s’arrête et je me pose dans le port de la baie pour me ressourcer. Peut-être trouverai-je un nouveau capitaine qui aura besoin de mes services. Peut-être que je repartirai avec l’Archipélia pour une nouvelle étape et de nouvelles illustrations si le financement dépasse les attentes de ses capitaines ? Pourquoi pas ? J’en serai ravi pour eux et pour le projet.
En attendant, je me remets en quête d’aventuriers à accompagner. Et même si je m’éloigne du trajet d’Archipélia, un de ces vieux loups de mer à l’âme un peu romanesque m’avait dit une chose fort rassurante : toutes les routes mènent au rhum.